• Récits

    De l’autre côté

     

    Quand au bout du chemin se dresse une montagne,

    On imagine alors qu’un pays de cocagne,

    Est masqué par le mur devant vous érigé,

    Que le versant caché de soleil est baigné.

     

    On rêve d’y trouver des trésors, des merveilles

    De fabuleux décors, des beautés sans pareilles,

    Des lacs et des forêts, des jardins d’agrément,

    Et d’immenses vergers aux fruits d’or et d’argent.

     

    On y voit des oiseaux aux chatoyants plumages,

    Qui chantent le bonheur de leurs joyeux ramages,

    On est persuadé que c’est le paradis,

    L’envie de s’y rendre est notre seul souci.

     

    Et de l’autre côté pareille certitude,

    On croit que vous vivez dans la béatitude,

    A vous toutes les joies, à vous tous les plaisirs,

    Les dieux sont avec vous et comblent vos désirs.

     

    Sachons bien exploiter ce qui fait notre vie,

    Chacun aura sa part de soleil et de pluie,

    Plutôt que de lorgner sur les biens du voisin,

    Mettons notre énergie à forcer le destin.


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  • Minette

     

    Le souffle que je sentais sur ma nuque était doux et chaud, d’où venait cette brise aussi légère que le duvet ? Les portes et les fenêtres étaient fermées, la grande cheminée est bouchée depuis l’hiver dernier. J’étais là devant ma page blanche, vide d’écriture, page immaculée comme une jeune mariée d’antan, nue comme Eve au paradis. J’attendais l’inspiration, l’étincelle qui mettrait le feu à mon imagination. Muse, ô ! Ma muse, pourquoi m’abandonnes-tu ce soir de printemps ?

    Je fixais la rose cueillie ce matin, rouge aux reflets grenats, elle était en bouton quand je l’avais séparée du rosier, elle est épanouie à présent. C’est beau une fleur, celui qui a créé les fleurs est un artiste… et ce parfum…mais d’autres fragrances venaient chatouiller mon nez délicat…jasmin, réséda ? Les deux à la fois. Je n’osais me retourner, le souffle se faisait plus pressant, le parfum plus intense. Tout à coup, mes doigts couraient sur les touches, comme mus par une force invisible, les lettres s’alignaient, les mots s’installaient, les vers se traçaient…un poème où une belle dame aux cheveux de soie et aux jambes nacrées quittait son manteau de pluie et venait s’asseoir à ma gauche, sur le pouf jaune que Minette avait délaissé.

    -Je ne vous dérange pas ?

    Elle était là ma belle inconnue, elle me souriait, ses yeux avaient des nuances d’émeraude,  sa poitrine à peine voilée se soulevait régulièrement.

    Mes mains quittaient le clavier mais il continuait à s’animer, les lettres, les mots, les phrases, les strophes se succédaient, je n’arrivais pas à suivre en lisant, c’était trop rapide...Puis une main aux doigts longs et fins effleurait deux touches, un point ponctuait la dernière ligne, le dernier mot.

    -Et voilà !

     

    Minette ronronnait sous mes caresses, ses yeux verts me regardaient malicieusement.


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  • Récits 

    - Regarde ma chérie, les cerises commencent à rougir, d’ici quelques jours, je pourrai t’offrir de jolies boucles d’oreille.

    Emilie se souvenait de l’an dernier, des paroles de son grand-père, cette année il ne pourrait plus lui faire de telles promesses, il était parti pour le grand jardin, celui dont on ne revient jamais.

    De gros nuages noirs passaient dans les yeux bleus de la petite fille, puis le soleil revenait à nouveau, ce doux soleil de printemps qui caressait les fruits rougissants.

    - Tu attends que les cerises soient mûres ?

    Emilie sortait brusquement du cours de ses pensées, cette voix semblait provenir du feuillage de l’énorme cerisier. La demoiselle levait les yeux vers le sommet de l’arbre mais elle ne voyait personne  perché sur les branches.

    - Ce n’est pas l’arbre qui parle, les arbres ne parlent pas, se disait-elle.

    Pourtant, à un endroit précis, le cerisier était agité par un léger frémissement, comme si un courant d’air s’obstinait sur une branche chargée de fruits.

    - Tu me cherches mignonne demoiselle, regarde derrière toi à présent.

    Se retournant, Emilie ne voyait qu’un oiseau noir perché sur un poteau, tenant dans son bec une cerise.

    - C’est toi qui parle petit corbeau ?

    L’oiseau secouait la tête de haut en bas, comme pour dire oui, puis il avalait tout rond le fruit et rouvrait le bec.

    - Petit corbeau ? Tu es bien une fille de la ville, tu ne sais pas faire la différence entre un vilain corbeau croassant et un merle chanteur tel que moi, écoute ma chanson.

    Le merle noir sifflait le début d’une rengaine qu’Emilie reconnaissait, elle l’entendait souvent sur la radio de sa grand-mère.

    - C’est bien moi qui te parle jeune fille, c’est bien moi.

    Emilie reculait vivement de deux pas au risque de tomber en arrière, elle était apeurée, un oiseau, fut-il merle chanteur, capable de tenir une conversation, cela n’existe pas.

    - Je rêve, j’ai déjà entendu des perroquets parler, mais ils ne font que répéter les mêmes phrases, et d’une voix nasillarde...mais dis-moi merle noir chanteur et parleur, tu viens de manger une cerise qui appartient à grand-mère, qui t’as donné la permission ?

    Sautant de son perchoir, sautillant de droite à gauche puis d’avant en arrière, le drôle d’oiseau se moquait bien des remontrances de petite fille, d’ailleurs son babillage ressemblait à un rire.

    - Permission, permission ! tu m’amuses, crois-tu que je dois demander une autorisation aux propriétaires de jardins et de vergers pour manger quelques petits pois, picorer des fraises et me gaver de cerises ? Sache que mes ancêtres étaient sur ce territoire bien avant les tiens, quand il n’était couvert que de forêts et d’étangs...et puis je mange aussi des insectes, je suis utile moi, j’ai bien droit à un dessert de temps en temps...

    Le merle continuait sa sarabande, s’éloignant puis se rapprochant, débitait encore ses jérémiades.

    - Bon puisque c’est ainsi, moi et les miens ne mettront plus les ailes dans ce verger, les fruits à peine mûrs seront la proie des mouches, et sais-tu ce que font les vilaines mouches ? elles pondent des œufs dans la chair même des cerises, des prunes et des pommes, ces œufs éclosent et deviennent d’affreux vers jaunes ou roses constamment agités, tu retrouveras ces dégoûtants personnages en ouvrant les fruits, pire, tu risques d’en avaler sans  t’en apercevoir, et, comme tu n’es pas un oiseau, ton estomac ne supportera pas un tel régime, tu seras malade, tu vomiras…pouah !

    Emilie réfléchissait, elle se souvenait que les années précédentes, son grand-père pestait contre les maudits volatiles qui sans vergogne venaient dépouiller son cerisier.

    - Utile, c’est toi qui le dis, tu abimes dix cerises pour n’en manger qu’une seule, regarde par terre, le désastre.

    Le merle déployait ses ailes et venait s’installer sur une branche basse, à hauteur du visage d’Emilie.

    - J’avoue que je suis gourmand, et puis un peu maladroit.

    - Et puis tu n’attends pas qu’elles soient vraiment mûres.

    - Quand il fait chaud, seulement quand il fait chaud, les fruits un peu acides sont plus rafraîchissants...mais pour te faire plaisir, je ne mangerai que ceux qui se trouvent tout en haut de l’arbre, ceux que tu ne peux atteindre, toi, puisque tu n’as pas d’ailes.

    L’oiseau battait des ailes, manifestement, il se moquait de la demoiselle.

    - Je vais demander à mes amis de respecter ce pacte, nous te laisserons intactes les cerises accessibles.

    - Merci monsieur le merle noir, vous êtes bien aimable.

    L’oiseau n’avait pas attendu de merci, il s’était envolé vers le ciel, sifflant une autre rengaine.

    - On dirait la chanson que papy sifflait l’an dernier.

    Emilie était troublée, elle s’asseyait dans l’herbe et fermait les yeux, il lui semblait que le bon grand-père était tout près, elle entendait sa respiration, elle sentait l’odeur de tabac.

    - Vous m’avez fait peur.

    Deux merles, un noir et un gris tournoyaient autour d’elle, en un éclair l’un et l’autre déposaient deux pendants de cerises sur ses oreilles.

    - De la part de ton grand-père.

    Rapidement, les deux compères disparaissaient.

     

    - Comment, mademoiselle dort, ce n’est pourtant pas l’heure.

    Emilie se frottait les yeux, sa grand-mère se tenait devant elle, avec son beau sourire et son doux regard.

    - Quel drôle de rêve je viens de faire.

    En prononçant ces mots, la petite fille portait les mains à ses oreilles...les pendants étaient bien là.

    - Où as-tu cueilli ces magnifiques cerises ? Elles sont bien rouges, elles viennent du sommet c’est certain, là où le soleil hâte le mûrissement.

    Emilie regardait vers le faîte du cerisier, des merles par dizaine picoraient à qui mieux mieux, elle semblait distinguer celui qui avait parlé, mais allez donc reconnaître un oiseau à une telle distance.

    - Regardez-moi ces vandales, ils ne vont rien nous laisser, je ne pourrai pas même de faire un clafoutis.

    La brave grand-mère avait tort de se lamenter, tous les oiseaux du quartier avaient évité les branches du bas, quelques jours plus tard, Emilie pouvait se régaler de clafoutis et s’offrir d’autres pendants d’oreilles, mais aucun fruit n’avait la couleur éclatante de ceux offerts par le couple de merles, d’ailleurs elle les avait gardés, enfermés dans une petite boîte, il semblait ne jamais se gâter.

     

     

     


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