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Le Ver et la Carpe
C’était un ver de terre heureux dans son fumier,
Quand survint un pêcheur à l’aspect débonnaire,
-Voici un bel appât, pour l’omble chevalier,
Il est gras à souhait, il fera mon affaire.
Fi des contorsions, le ver fut embroché,
A l’hameçon crochu, quel atroce supplice,
En sifflant dans les airs, le lombric accroché,
S'immergea dans l'étang, tournant comme une hélice.
Il se demandait bien ce qu'il faisait ici,
Bien au-dessus du fond qu'il ne pouvait atteindre,
-Si c'est un nouveau jeu, je me fais du souci,
Je souffre le martyr, je vais bientôt m'éteindre.
Il s’agitait en vain, il était suspendu,
Vint alors renifler une carpe tranquille,
Voyant le ver de terre attirant et dodu.
-Voilà un mets de choix et d'approche facile.
Elle s'exprimait fort et le ver l'entendit,
Ne croyez pas surtout, carpe n'est point muette,
-Méfiez-vous gros poisson, c'est moi qui vous le dis,
Je suis le prisonnier d'un homme à épuisette.
-Le crochet qui me tient peut vous saisir aussi,
Il me vient une idée, si vous étiez charmante,
Je vous sauve la vie vous informant ainsi,
Vous me coupez en deux en étant prévenante.
Le ver c'est bien connu retrouve son aspect,
Quand il perd un morceau, il se reconstitue,
Le poisson étant sot, il trouva ça suspect,
Et sa gloutonnerie voulait qu'il continue.
Gobant l'appât entier et croyant au bonheur,
Il ne put échapper à ce piège terrible,
A son tour d'avoir mal, indicible douleur,
Vouloir se libérer, mission impossible.
Même si bien souvent, ils vous semblent douteux,
Ecoutez les conseils sans paraître crédule,
Il se peut qu'on vous donne un avis précieux,
Ne rejetez pas tout d'un conciliabule.
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Le loup devenant bergère
Un vieux loup s’endormait le soir au fond des bois,
Il rêvait le vilain de devenir bergère,
Un regard lumineux et un joli minois,
Il aurait subjugué ainsi la France entière.
Il se voyait déjà, le chouchou des médias,
Qui lui accorderaient de longs temps de parole,
Il serait pomponné devant les caméras,
Des téléspectateurs il serait une idole.
Il pourrait approcher les brebis, les moutons,
Avec son baratin, les mettre en confiance,
Les gens en le voyant n’auraient plus de boutons,
Trompés par son aspect et sa fausse apparence.
Attirant dans ses rets la veuve et l’orphelin,
Faisant croire au chômeur qu’il est leur espérance,
Donnant l’illusion d’être au four, au moulin,
Il aurait du succès nonobstant sa nuisance.
Mais un loup reste un loup quand il cache ses dents,
Qu’il semble vertueux, souriant, débonnaire,
Le péril est réel, malheur aux imprudents,
Quoi de plus dangereux qu’une fausse bergère.
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Chez ces gens-là!
Y a déjà le député
Qui aborde un beau sourire
Il est toujours agité
Et parle pour ne rien dire
Il fait un tour au marché
Sert de nombreuses paluches
Fait semblant d’être branché
En rencontrant des greluches
Il embrasse les marmots
Les concierges, les rombières
Il fréquente les bistrots
Et s’enfile plusieurs bières
Il écoute les ragots
Faisant de vaines promesses
Accroché par des poivrots
Des prolos et des gonzesses
Il joue les fiers matadors
Dès qu’il entre dans l’arène
Faut vous dire monsieur
Que chez ces cadors
On se moque monsieur
De vous et de votre peine
Et puis y a le sénateur,
Complètement inutile
Un notaire ou un docteur
Chauve, barbu et sénile
Et quand il siège au sénat
C’est pour prolonger sa sieste
Il roupille dans le débat
Et il bave sur sa veste
Mais il touche du pognon
Rien qu’à se tourner les pouces
Croyez-moi ce vieux grognon
C’est sur se la coule douce
Fréquentant les restaurants
Les plus grands d’la capitale
Il se fiche des manants
De ceux qui crèvent la dalle
Il boit des vins de grands crus
Se tapant sur la bedaine
Faut vous dire monsieur
Que chez ces cocus
On se moque monsieur
De vous et de votre peine
Y a aussi tous les nantis
Toutes les grosses fortunes
Des goujats, des malappris
Qui vous payent avec des prunes
Ils dirigent le pouvoir
Influent sur la politique
C’est toujours leur bon vouloir
Que le président applique
Ils se font un tas de blé
Rien qu’en jouant à la bourse
Ont des chaînes de télé
Jamais ne tarit leur source
Ils sont pires que des loups
Et pas le moindre scrupule
Son toujours dans les bons coups
Et fréquentent la crapule
Les usines, les chantiers
Peuvent fermer à leur guise
Faut vous dire monsieur
Que chez les banquiers
On se moque monsieur
De vous et de la crise
Et puis il y a aussi
Notre jolie Marianne
Qui se fait bien du souci
Avec tous ces bougres d’âne
Espérant l’égalité
Dans son beau pays de France
C’est plutôt l’iniquité
Que pratique cette engeance
Quant à la fraternité
Ce n’est plus qu’un doux mirage
Atteinte de cécité
Et oubliant le partage
Et la pauvre liberté
Elle a pris un sens unique
N’ayant plus droit de cité
Au sein de la République
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Les fables
Si le loup est cruel, le renard est rusé,
Voilà ce qui s’écrit dans un livre de fables,
Le mouton est tondu, le corbeau abusé,
Et combien de clichés étonnants, ineffables.
Que pense la fourmi de sa célébrité,
Est-elle comme on dit beaucoup plus besogneuse
Qu’un insecte chanteur appréciant l’été,
Voici une opinion quelque peu hasardeuse.
Pourquoi il est écrit que l’âne est un idiot,
Alors que le cheval aurait l’intelligence,
Que dire dans ce cas, du mulet, du bardot,
Haro sur le baudet, ayez de l’indulgence !
La mouche a eu sa part de jugements moqueurs,
Le rat est reconnu, c’est même une vedette,
Le héron, les pigeons ont eu bien des honneurs,
Le singe et le dauphin sont aussi de la fête.
Peut-on cataloguer ainsi les animaux ?
Croire qu’ils sont aussi vicieux que les hommes,
Utiliser parfois de braves végétaux,
Les déranger l’hiver au milieu de leurs sommes.
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Le papillon et les roses
C’était un papillon aux splendides ocelles,
Qu’il aimait exposer aux rayons du soleil,
Et du matin au soir il agitait ses ailes,
Avant de se calmer au moment du sommeil.
Il allait butinant de corolle en corolle,
Puisant le doux nectar distillé par les fleurs,
Il n’avait nul besoin de prendre une boussole,
Guidé par son instinct sensitif aux odeurs.
Il venait de sentir un parfum agréable,
Emanant d’un massif planté de rosiers nains,
Il découvrait alors un nombre incalculable,
De ces petites fleurs poussant avec entrain.
-J’ai l’embarras du choix, où donc est la plus belle ?
Le papillon troublé survolait le jardin,
Hésitait sans avoir déterminé laquelle,
Il allait visiter pour prendre le butin.
Mais pendant ce temps-là une nuée d’abeilles,
Venait de repérer cet endroit séduisant,
Allant de fleur en fleur remplissant les corbeilles,
Les apidés suçaient le nectar abondant.
Et quand le papillon reprit l’initiative,
Il n’y avait plus rien, tout était soutiré,
Son hésitation avait été fautive,
Sur ce coup il était plutôt mal inspiré.
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